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JENNY DE VASSON

 

Fille unique d’un magistrat, Jenny de Vasson est née le 20 août 1872 à La Châtre, dans une famille aristocratique et libérale. Elle grandit dans le Berry et reçoit une éducation solide, au contact de la nature et des forêts. Elle conservera de son enfance le souvenir de promenades en compagnie de George Sand, ses parents comptant parmi les familiers de l’écrivain. À Issoudun, la maison des Vasson est ouverte à de nombreux invités, parmi lesquels le poète Maurice Rollinat, le sculpteur Ernest Nivet et le peintre Fernand Maillaud. Républicain et franc-maçon, son père, Paulin de Vasson, s’engage dans le combat en faveur de Dreyfus. La jeune femme développe des amitiés qu’elle entretiendra toute sa vie, en particulier avec le jeune artiste Bernard Naudin, ou encore le futur écrivain Jean-Richard Bloch, mais aussi avec l’orientaliste Jules Bloch, le linguiste Marcel Cohen et l’écrivain Émile Herzog, connu sous le pseudonyme d’André Maurois. En 1899, Jenny de Vasson acquiert un appareil photographique, puis installe un laboratoire à l’abbaye de Varennes à Fougerolles dont sa mère hérite en 1900. Cet appareil l’accompagne dans la vingtaine de voyages qu’elle effectue jusqu’en 1914 à travers la France et l’Europe. Les photographies qu’elle réalise pendant vingt ans sont surtout réalisées à titre de souvenir, ce qui n’exclut pas une certaine recherche esthétique. En 1902, les Vasson s'installent dans un hôtel particulier de Versailles où ils résident l’hiver. Les étés se passent à l’abbaye de Varennes, où Jenny de Vasson décède en 1920 d’une angine de poitrine. Une grande partie de son œuvre photographique est détruite à l’occasion du pillage de la demeure versaillaise en mai juin 1942. En 1980, de passage dans le Berry, le photographe Jean-Marc Zaorski découvre les travaux de Jenny de Vasson et s’attache à les faire connaître. C’est le point de départ de la redécouverte de cet œuvre réalisé à une époque où la pratique de la photographie amateur se développe dans les couches aisées de la population, et constitué de paysages et de portraits berrichons ou versaillais.

Anonyme - Portrait de Jenny de Vasson, 1888, aquarelle © G. Wolkowitsch
Briesnmeister - Portrait de Jenny de Vasson, 1886, aquarelle © G. Wolkowitsch
Autoportrait de face et de profil - Issoudun, Indre, 1901 © G. Wolkowitsch
Autoportrait - Issoudun, Indre, 1901 © G. Wolkowitsch


PORTRAITS ET AUTOPORTRAITS

 

"Mes yeux étaient toujours superbes, seule consolation" : à quatorze ans, Jenny de Vasson se découvre « un âge ingrat tardif » (Cahiers, 1900) et un embonpoint qui ne va plus la quitter. Choisissant le célibat, elle se consacre à l’étude, à la lecture, à la pratique du piano, aux voyages et à ses amis. Elle photographie régulièrement ses compagnes de jeux et de travaux de couture, ainsi que ses amis artistes et écrivains, sur l’œuvre desquels elle porte un regard aigu et maternel. Au-delà du cercle amical, elle réalise le portrait des membres de la société rurale ou citadine qui l’entoure : enfants, vieillards, bourgeois, paysans, mais aussi soldats photographiés au début de la Grande Guerre pour laisser à leurs parents l’image d’un fils parti au front. La composition de ces photographies destinées au souvenir est souvent simple et frontale. Jenny de Vasson joue parfois avec son médium pour élaborer des mises en scène : autoportrait où elle pose en reine vierge couronnée de lys, portrait de son amie Marthe Brigot qui laissent revoir la photographe dans le reflet d’un miroir, ou encore vision de jeunes femmes vêtues de blanc, les yeux clos, debout dans une clairière et parées de végétaux, dans une esthétique qui évoque le pictorialisme contemporain. Ce mouvement qui emprunte aux codes de la peinture est notamment porté par des amateurs ayant accès aux pratiques photographiques grâce aux progrès techniques. Ces compositions restent de l’ordre du jeu. Leur auteur considère qu’il est moins aisé de saisir fidèlement les personnes et les choses.

Être attentif devant la nature et raconter son impression avec une absolue sincérité, cela semble une recette facile. Mais quel travail d'être sincère, que c'est donc peu naturel à l'homme. Arranger les choses - C'est très vite fait. Ne pas les déranger - Il faut la baguette des fées.  

 


LES VASSON DANS LE BERRY

 

Issue de l’aristocratie berrichonne, Jenny de Vasson passe la plus grande partie de sa vie dans sa région natale. Elle naît à La Châtre et y vit jusqu’à l’âge de six ans, en face du tribunal où son père, Paulin de Vasson, est procureur. Lorsque celui-ci devient le président du tribunal d’Issoudun, la famille Vasson s’installe dans cette ville. Pendant ces années citadines, la jeune femme apprécie particulièrement les séjours champêtres et les promenades, comme celles de sa petite enfance aux côtés de George Sand à Nohant, ou encore auprès de ses grands-parents maternels au château de Greuille à Sassierges-Saint-Germain.  

En 1900, sa mère, Nannecy de Vasson, hérite de l’abbaye de Varennes à Fougerolles où la famille s’installe peu de temps après. Cette ancienne bâtisse cistercienne offre aux Vasson un cadre bucolique, qu’ils apprécient pleinement l’été, l’hiver se passant dans leur demeure versaillaise. Jenny de Vasson peut ainsi s’épanouir en fixant son quotidien et celui de ses proches grâce à la photographie : intimité matinale (toilette, lecture ou correspondance), vie familiale (promenade, séance de musique) ou bien relations amicales (portraits d’invités, repas animés) sont rendues avec détails et délicatesse. 

Cygnes - Issoudun, Indre, 1900 © G. Wolkowitsch  


Visite au château de Sarzay - Indre, 1904 © G. Wolkowitsch

 

 

Armand Guillaumin (1841-1927), Vallée de la Creuse, 1917Armand Guillaumin (1841-1927) - Vallée de la Creuse, 1917, pastel © G. Wolkowitsch

La vie en Berry

Jenny de Vasson passe également de nombreuses heures à photographier les paysages et les habitants du Berry. Elle y dépeint une région encore profondément rurale, marquée par son folklore et ses légendes, comme oubliée de l’industrialisation et de l’urbanisation. Paysans au travail, balades à l’ombre des arbres et au fil des campagnes sont pour elle des sujets inépuisables. C’est le Berry, particulièrement « la Vallée Noire », tel qu’il est décrit dans les romans champêtres de la dame de Nohant : « Le Berry n’est pas doué d’une nature éclatante. (…) Vous n’y trouverez de drames ni dans les choses ni dans les êtres. (…) Mais des travailleurs paisibles, des pastoures rêveuses, de grandes prairies désertes (…) » (Le Berry, 1866).


  

 

 

 

 


PÉRÉGRINATIONS EN FRANCE

 

À partir du milieu du XIXe siècle, le Berry est progressivement sillonné par les chemins de fer : la ligne Vierzon-Châteauroux dessert notamment Issoudun, mais il faut attendre 1893 pour voir s’installer une gare à La Châtre. Ce développement progressif du réseau ferré facilite les visites de proches à Fougerolles, tout comme les expéditions de la famille Vasson partout en France. 

Jenny de Vasson voyage de nombreuses fois avec ses parents, puis seule, à des fins touristiques ou amicales. Entre 1899 et 1914, elle se rend à Paris, Tours (Indre-et-Loire), Chambéry (Savoie), ou encore en Auvergne. Afin de retrouver son ami l’écrivain Jean-Richard Bloch, elle fait le voyage à Lons-le-Saunier (Jura), où il est professeur d’Histoire en 1907-1908, puis à Poitiers (Vienne) en 1908-1909. Son ami André Chapron est sous-préfet à Issoudun (Indre) entre 1898 et 1903, puis à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) entre 1903 et 1906, avant de devenir préfet du Lot à Cahors en 1906, puis de la Marne à Châlons-sur-Marne entre 1907 et 1919, autant de villes où elle lui rend visite. 

Au cours de ses voyages, Jenny de Vasson prend de nombreuses photographies représentant la vie quotidienne chez ses amis, leurs demeures, ainsi que les visites touristiques et les promenades champêtres faites à leurs côtés. Elle adresse régulièrement des tirages à ses amis, accompagnés de commentaires, en souvenir des instants passés ensemble. Ces photographies de voyages donnent à voir le talent de Jenny de Vasson qui propose aussi bien des poses originales que des scènes familiales prises sur le vif : autant d’images où la frontière entre mise en scène et instants volés reste floue.

Sortie de l'église - La Gorce, Gironde, 1912 © G. Wolkowitsch
Promenade quelque part en France, vers 1905 © G. Wolkowitsch
Promenades à Costesaltes - Blayes, Gironde, 1905 © G. Wolkowitsch
Ciel d'orage - Vitré, Ile-et-Vilaine, 1905 © G. Wolkowitsch
Nannecy de Vasson dans la chambre de Jean-Jacques Rousseau - Les Chamettes, Chambéry, Savoie, 1909 © G. Wolkowitsch
La famille Moriette - Costesaltes, Blaye, Gironde, 1905 © G. Wolkowitsch
Chevaux - Puy-de-Dôme, v. 1910 © G. Wolkowitsch
Aline Merlin et Nannecy de Vasson devant le petit train qui monte au sommet du puy de Dôme - Puy-de-Dôme, 1910 © G. Wolkowitsch
Crépuscule - Puy-de-Dôme, 1910 © G. Wolkowitsch
Dans la rue - Montluçon, Allier, 1905 © G. Wolkowitsch


L'EUROPE SANS BAEDEKER

 

Jenny de Vasson, grâce à l’aisance financière de ses parents, voyage à travers l’Europe pendant plus de vingt ans, entre 1890 et 1914. Au XIXe siècle, ce type d’excursions se fait au gré de la lecture de guides de voyage de poche, comme le Baedeker, et se place dans la lignée du Grand Tour du XVIIIe siècle, voyage d’éducation aristocratique. Suisse, Belgique, Espagne, Grèce et surtout Italie, sa patrie de cœur, deviennent des sujets de conversation récurrents pour la jeune femme et son cercle d’amis. 

Les Vasson misent sur le confort des conditions de voyage et privilégient les pensions de famille plutôt que les hôtels, ce qui leur permet de faire de nouvelles rencontres. Le voyage n’est jamais seulement touristique ; il est, avant tout, source de partage. Elle qui « aime à voir, et peu à aller voir » (Cahiers) se passerait bien des voyages en eux-mêmes si, selon ses mots, le monde pouvait se dérouler autour d’elle et lui offrir ce qu’il a de beau et de rare comme on lit un livre dans un fauteuil confortable.

C’est en 1899, à l’occasion d’un voyage à Venise, que les Vasson décident d’acquérir un appareil photographique dont l’usage est rapidement maîtrisé par leur fille. Les aquarelles figurant les voyages de Paulin font place aux clichés de Jenny qui n’hésite pas à se lever aux aurores pour les prendre. En ce début de XXe siècle, peu nombreuses sont les femmes qui veulent et peuvent transporter un matériel photographique lourd et encombrant. La jeune femme se prend d’un grand intérêt pour la photographie, pour laquelle elle est encline à faire quelques concessions. Car à l’inverse de George Sand qui pense « qu’il ne s’agit pas tant de voyager que de partir » (Un Hiver à Majorque, 1842), Jenny de Vassonne désire pas fuir le confort du quotidien.

L’aspect fondamental, semble-t-il, de ses photographies de voyages ne réside pas tant dans les sites ou les monuments eux-mêmes, que dans le choix du moment de la prise. Ceci, avec comme unique but d’en fixer le souvenir.

Nannecy de Vasson et les pigeons de Saint-Marc, 1906- Venise, Italie ©Gilles Wolkowitsch
Dans la rue - Catane, Sicile, Italie, 1906  © G. Wolkowitsch
Arbres - Rome, Italie, 1909 © G. Wolkowitsch
Les Offices - Florence, Italie, 1906 © G. Wolkowitsch
Forum - Rome, Italie, 1909 © G. Wolkowitsch
Vue - Venise, Italie, 1909 © G. Wolkowitsch
Dans la rue - Bruxelles, Belgique, 1905 © G. Wolkowitsch
Sur le lac Léman - Genève, Suisse, 1909 © G. Wolkowitsch
Rue - Bruxelles, Belgique, 1905 © G. Wolkowitsch
Paulin et Nannecy de Vasson en promenade - Ravenne, Italie, 1909 © G. Wolkowitsch


UN HIVER À VERSAILLES

 

En 1902, Jenny de Vasson s’installe avec ses parents à Versailles au 3, impasse du Débarcadère (actuel passage Pilâtre de Rozier), dans un hôtel particulier qui devient leur résidence d’hiver. Ils bénéficient désormais de la proximité de la capitale sans pâtir de son agitation, et s’y rendent chaque semaine pour aller au théâtre, au musée ou rendre visite à des amis. La famille prend également part à la vie culturelle versaillaise. Paulin de Vasson donne plusieurs conférences à l’Académie des Sciences Morales, des Lettres et des Arts et fait don à la Bibliothèque municipale en 1908 d’un ensemble d’une centaine de lettres. Rassemblées d’après sa correspondance et celle de ses proches, elles sont signées George Sand, Jean Jaurès, Charles de Montalembert ou encore Joséphin Péladan et témoignent de l’implication des Vasson dans la vie politique, littéraire et intellectuelle de leur temps. Dans ce nouveau foyer versaillais où trônent deux tableaux de jeunesse de Claude Monet donnés par Maurice Rollinat, poète et cousin des Vasson, Jenny installe un laboratoire pour le tirage de ses clichés. Ceux-ci montrent la société familière qui vient lui rendre visite – artistes, écrivains ou amies berrichonnes comme Germaine Molinas, Marthe Brigot ou encore Germaine Voisin dite « Bonne Mignonne ». Y figurent aussi des monuments, qui, à l’image du Grand Trianon, confèrent à Versailles « un petit reflet italien » (Jenny de Vasson, 1906, BnF, Fonds Jean-Richard Bloch). La Grande Guerre amène Jenny de Vasson et ses parents à se retirer à l’abbaye de Varennes, où la photographe décède le 15février 1920, après avoir fait brûler ses manuscrits. Mais ses photographies, prises par jeu ou pour le souvenir, doivent lui sembler en-dehors de toute appréciation critique puisqu'elles échappent au feu. Si la plupart de ces albums et plaques photographiques ont disparu dans le pillage de l’hôtel versaillais en mai-juin 1942, ceux qui subsistent seront précieusement conservés par Paulin et Nannecy de Vasson, puis par David et Germaine Wolkowitsch qui s’installent à leur suite dans la maison versaillaise.

 


 

DOSSIER SPÉCIAL

BERNARD NAUDIN

Coup de projecteur sur un illustrateur berrichon dans les collections de la Bibliothèque municipale de Versailles.

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Communiqué de presse de l'exposition


Jenny de Vasson - Une photographe à Versailles en 1900

Bibliothèque Centrale - Galerie des Affaires Étrangères

Du 19 septembre au 24 octobre 2020