Tablettes cunéiformes, manuscrits uniques, éditions d’une rareté extrême, somptueuses reliures, œuvres aux provenances exceptionnelles... Le réseau des bibliothèques de Versailles expose ses trésors.
Ancienneté, auteur illustre, provenance prestigieuse, rareté, splendeur des matériaux et valeur esthétique… ainsi pouvons-nous égrener les caractéristiques d’un trésor, et telles sont les grandes thématiques présentées et réinterrogées dans les salles de cette exposition. La réalité est bien sûr plus complexe, les œuvres majeures conjuguant la plupart du temps plusieurs de ces qualités, tandis que parfois, une magie inexpliquée opère. La préciosité peut être éclatante ou plus discrète, se dévoilant au détour d’un ex-libris ou d’une annotation. Des faux – qu’ils soient littéraires, numismatiques, ou qu’il s’agisse de provenances erronées – peuvent se révéler être de véritables trésors, par leur valeur historique, esthétique, littéraire, ou par ce que la légende qui les entoure laisse transparaître de leur époque de réalisation ou de leur réception.
L’exposition présente les trésors des bibliothèques de Versailles, sans bornes chronologiques et en s’intéressant à toutes les techniques et tous les supports. Elle est abritée dans la galerie d’apparat de l’ancien Hôtel des Affaires étrangères et de la Marine. Construite sous le règne de Louis XV et haut lieu de la diplomatie française jusqu’à la Révolution, celle-ci est aujourd’hui classée au titre des monuments historiques et lieu de conservation de quelque 55 000 livres imprimés anciens sur les 150 000 que compte la bibliothèque. Les collections de celle-ci comprennent également des manuscrits, monnaies et médailles, estampes, dessins, peintures, partitions, photographies et objets ; leur noyau initial, issu des confiscations révolutionnaires entrées dès la création de la bibliothèque, devenue municipale en 1803-1804, a été enrichi de donations, dons, legs et acquisitions jusqu’à aujourd’hui.
Parmi tous les trésors qu’elles conservent, célèbres ou redécouverts, le choix n’a pas été facile. Sont ici présentés des manuscrits uniques, des éditions d’une rareté extrême, de somptueuses reliures anciennes ou contemporaines, des œuvres aux provenances exceptionnelles, des chefs-d’œuvre des arts graphiques, ou encore des pépites de l’édition jeunesse, conservées à la bibliothèque de l’Heure Joyeuse de Versailles.
Mais ouvrons ce parcours avec une sélection des œuvres les plus anciennes préservées en ces lieux : un échantillon des tablettes cunéiformes issues du don réalisé en 1962 par les filles du colonel Allote de la Fuÿe, et un florilège de monnaies antiques provenant de l’exceptionnel médaillier de la bibliothèque.
L'auteur
L’auteur fait-il le chef-d’œuvre ? Cette question simple nous est posée par les œuvres présentées dans cette partie, à l’image de trois dessins, entrés en 1962 avec le don exceptionnel des bibliophiles Jean et Henriette Lebaudy à la bibliothèque : ils sont alors attribués à Paul Véronèse, Frans van Mieris et Rembrandt, attribution ici remise en cause pour le dernier d’entre eux.
Plusieurs œuvres exposées ont été réalisées par de célèbres amateurs, à l’image d’un des rares dessins signés par Madame Élisabeth. Quand ce ne sont pas les rois qui interviennent directement dans la composition et la parution des ouvrages : c'est la cas d’un roman de chevalerie, dans la publication duquel Charles Quint s’est investi et dont la légende lui attribue la traduction. Charles IX aurait quant à lui dicté la rédaction d’un traité de vénerie – ironie du sort quand la raison invoquée pour sa mort est un trop grand excès de chasse. Les Œuvres diverses d’un auteur de sept ans proposent quant à elles les premiers écrits d’un prince loué pour son esprit dès son plus jeune âge, le duc du Maine, fils légitimé de Louis XIV, dans un ouvrage paru à un très petit nombre d’exemplaires sous l’égide de sa gouvernante Mme de Maintenon et dédicacé à sa mère Mme de Montespan.
Parfois, l’auteur joue avec son identité, qui se dévoile ou se dérobe dans son œuvre. Le dessinateur du Livre des oyseaux de la Ménagerie de Versailles, recueil de dessins aquarellés réalisé en 1710, cache des initiales dans les portraits de ces animaux exotiques importés pour le plaisir des princes et l’étude des sciences naturelles. En copiant et paraphant des lettres reçues de son directeur spirituel Paul Godet des Marais dans ses « petits livres secrets », Mme de Maintenon brouille quant à elle la notion d’auteur en se réappropriant les écrits d’autrui pour les intégrer à sa pratique dévotionnelle personnelle.
Certains manuscrits dévoilent enfin le processus de création des œuvre : d’un dessin de Louis Dupré pour un projet de tableau trouvé au fil d’une lettre, au carnet d’un praticien du sculpteur Houdon comprenant à la fois des notes, des comptes, des dessins et des relevés de mesures.