Les globes Vaugondy
Aux XVe et XVIe siècles, les grands voyages d’exploration confirment ce que des savants de l’Antiquité avaient déjà avancé : la Terre est sphérique. Ce modèle se traduit par une large diffusion de globes produits par paire – l’un terrestre et l’autre céleste – et en série grâce à la technique de la gravure. À l’époque moderne, la présence d’explorateurs et d’astronomes sur tous les continents et l’amélioration des instruments d’observation permettent la découverte de nouvelles constellations, figurées sur ces sphères. Les globes, en particulier les plus précieux et coûteux exemplaires, ont fréquemment été utilisés dans un but décoratif, autant que comme un instrument d’aide à la navigation.
Didier Robert de Vaugondy (1723-1786), « géographe ordinaire du roi », auteur en 1757 d’un article sur l’art de la fabrication des globes pour l’Encyclopédie, réalise en 1751, sur commande de Louis XV et « pour l’usage de la marine », deux globes, l’un terrestre et l’autre céleste. Leur taille relativement modeste (45,5 centimètres de diamètre) est adaptée à l’embarquement à bord des vaisseaux. Leur vente par souscription est annoncée deux ans plus tard dans le Journal des Sçavans. Les prix varient entre 460 livres pour les globes « montés simplement » et 1 000 pour ceux dont les pieds richement décorés portent les armes du souscripteur.
Article de l'Encyclopédie sur les globes
Globe terrestre et globe céleste, fig. 58, planche VII "Astronomie"in Recueil de planches sur les sciences, les arts libéraux et les arts méchaniques avec leur explication, A Paris chez Briasson, David et Le Breton, 1767.Bibliothèque municipale de Versailles, AN J 28
Une paire est apportée, dès sa réalisation, au ministère des Affaires étrangères à Versailles : ayant suivi cette administration à Paris après la Révolution, elle est remplacée par une autre, de provenance inconnue, dans le bâtiment aujourd’hui occupé par la bibliothèque municipale de Versailles. Cette dernière conserve ainsi un globe céleste, issu de la première réédition de 1764, et un globe terrestre, provenant de la deuxième réédition de 1773.
Le globe terrestre, gravé par Guillaume Delahaye, présente les données cartographiques et les découvertes contemporaines.
La Nouvelle-Zélande, la côte orientale de la nouvelle Hollande et le détroit de l’Endeavour correspondent aux observations du premier voyage de Cook en 1770, mentionné sur le globe.
En revanche, l’archipel des îles de la Société, repérées par Cook, et les îles découvertes par Kerguelen en 1772 ne figurent pas sur cette édition. Le Nord-ouest canadien est laissé en blanc, avec un texte évoquant l’existence possible, et très controversée au XVIIIe siècle, d’une mer intérieure à cet endroit.
Le globe céleste, dessiné et gravé par Gobin, est une réédition de celui de 1751 « augmentée des constellations de Mr Delacaille », abbé qui se rendit célèbre par la publication du catalogue de 9800 étoiles de l’hémisphère Sud, ainsi que par l’élaboration, depuis son observatoire du Cap puis de la Réunion (1751-1754), de 14 nouvelles constellations représentant les principaux instruments des arts et des sciences des XVIIe et XVIIIe siècles (le Téléscope, le Microscope ou encore l’Antlia, machine pneumatique sur le modèle de celle de Denis Papin).
Les motifs figuratifs animaliers et mythologiques des constellations classiques, principalement celles de Ptolémée, sont dessinées à l’aide de lignes continues, tandis que celles découvertes aux XVIIe et XVIIIe siècles sont représentées par des pointillés.
Près du pôle nord est figurée la constellation du Renne, créée par l’astronome Le Monnier en 1736 suite au voyage de Laponie mené par Maupertuis qui a prouvé l’aplatissement de la Terre aux pôles – constellation aujourd’hui obsolète.
La BnF conserve elle aussi un globe de ce type, numérisé en 3D....
Sur les globes et leurs éditions successives figurent ainsi un état des connaissances cartographiques et astronomiques contemporaines, sans cesse remises en question, corrigées et précisées au cours des grands voyages d’exploration.
Pour aller plus loin
> Histoire de l'édition française vol.2 Le livre triomphant sous la direction de Roger Chartier et d'Henri-Jean Martin, Fayard, 1990
Sur l'ouvrage Histoire philosophique et politique des Établissements et du Commerce des Européens dans les Deux Indes
> Le billet du blog de Gallica consacré à l'histoire de l'ouvrage et à son auteur
Ressources autour de l'esclavage et la traite des esclaves en France
> MANIOC, bibliothèque numérique rassemblant des documents sur la Caraïbe, l'Amazonie, le Plateau des Guyanes et sur les centres d'intérêt liés à ces territoires
> Les ressources en ligne sur Gallica autour de l'esclavage
> Les Ressources d'archives sur l'esclavage et la traite négrière
> Guide des sources de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions, publié par les Archives de France, 2007
Ressources sur l'art des globes
> Monique Pelletier, "Les globes dans les collections françaises aux XVIIe et XVIIIe siècles" In : Cartographie de la France et du monde de la Renaissance au Siècle des lumières [en ligne]. Paris : Éditions de la Bibliothèque nationale de France, 2002 (généré le 22 mai 2021). http://books.openedition.org/editionsbnf/1063
> Le monde en sphères, 2 500 ans d’histoire de la représentation de la Terre et de l’univers [en ligne]. Bibliothèque nationale de France. Lien vers l'exposition virtuelle de la BnF.
Pour en savoir plus sur nos présentations de documents "Patrimoine à mains nues"
Présentation // Patrimoine à mains nues janvier 2019 - Bibliothèque centrale