Gravure sur bois représentant des bateaux entourés des symboles royaux

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L’autre visage des voyages d’exploration : colonialisme et esclavage

Les grands voyages d’explorations, soutenus par les pouvoirs politiques, n’ont pas seulement le noble objectif de faire progresser le monde scientifique. Le but est aussi principalement d’étendre son territoire... et de trouver de nouvelles richesses : installation de nouveaux “comptoirs”, nouveaux accords commerciaux... Bien souvent, il n’est d’ailleurs pas uniquement question d’épices, de tissus, d’or ou de pierres précieuses : le commerce d’êtres humains et la traite des esclaves venus de ces nouvelles terres colonisées est aussi l’une des tristes suites de ces voyages.

Esclavage et traite des esclaves

Le XVIIIe siècle marque l’essor du commerce colonial. Le recours aux esclaves se systématise : ils sont une main d’œuvre facile et peu chère. L'édition de 1724 du Code noir, rédigé sous l'autorité du roi, vient “encadrer” la traite des esclaves aux Antilles. En réalité, ce code fait d’un esclave un “bien” et ouvre finalement la porte à tous les abus.

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Les journaux de bord des navires négriers sont de tristes témoignages, mais riches d’informations.
Aujourd'hui, leur contenu très factuel nous interpelle forcément : loin de toute humanité, les esclaves sont traités comme des biens et n’apparaissent qu’à travers des chiffres notés dans des tableaux listant les marchandises transportées à bord. Certes, on veille aussi à les maintenir dans une bonne santé relative pendant le voyage : mais on devine plus derrière ces préoccupations la volonté de ne pas perdre les hommes, femmes et enfants que l’on se prépare à revendre à l’arrivée.
Des écrits édifiants mais qui rappellent néanmoins la réalité d’alors.

Extrait du manuscrit de "Journal de traite du vaisseau La Licorne" par Joseph BrugevinDans "Journal de traite du vaisseau La Licorne", Joseph Brugevin, 1787-1788, Bibliothèque municipale de Versailles (Ms Lebaudy in-fol 59)

Retranscrit par Gabriel Debien en 1982, le manuscrit du Journal de traite du vaisseau La Licorne conservé à la Bibliothèque municipale de Versailles est précieux par sa rareté et son état de conservation. Plus qu’un journal de bord, il s’agit plutôt d’un compte-rendu, rédigé par le capitaine Joseph Brugevin et probablement destiné au duc de la Rochefoucauld-Liancourt

20210512 titre journal traiteCliquer sur l'image pour feuilleter le document

Premières remises en question et condamnations

En opposition au système colonialiste et à l’esclavage, de vives critiques ne tardent pas à apparaître. Pour n’en citer qu’un, l'Histoire philosophique et politique des Établissements et du Commerce des Européens dans les Deux Indes paru en 1780, est l’un des livres phares de l’anticolonialisme. Il parait une première fois à Amsterdam en 1770, mais sans nom d’auteur : l'ouvrage n'est définitivement attribué à Guillaume-Thomas Raynal qu’en 1775, lorsqu’il en admet implicitement la paternité en faisant ajouter son portrait en frontispice.

Portrait de l'auteur en frontispice dans "Histoire des Deux Indes..." de Guillaume-Thomas RaynalDans "Histoire philosophique et politique (...)", Guillaume-Thomas Raynal, 1780, BnF

Après cette première parution à Amsterdam, l’ouvrage fut interdit en 1772, publié à nouveau en 1774 et mis immédiatement à l’index par le clergé. L’édition de 1780 dont un exemplaire est conservé à la Bibliothèque centrale de Versailles, la plus virulente, est brûlée en place publique… ce qui assurera immédiatement son succès. Parce qu’elle est la dernière version, elle est le plus souvent considérée comme la meilleure.
L’Histoire des Deux Indes condamne son auteur à l’exil : il ne reviendra qu’après la Révolution, échappant d’assez peu à la guillotine. L’un des reproches souvent fait à Raynal, personnage au passé mouvementé, est de ne pas avoir toujours reconnu que cette œuvre était collective : on y trouve des textes de lui, certes, mais aussi de Diderot (notamment l’ouverture du livre XI, restée célèbre), d’Holbach ou Naigeon.
Reste que l’ouvrage est une œuvre majeure. C’est l’une des premières fois en effet que seront dénoncés, parfois violemment, l’esclavage et l’exploitation des colonies.

Page de titre du "Livre onzième" dans l'"Histoire philosophique et politique (...)" de Guillaume-Thomas RaynalDans "Histoire philosophique et politique (...) Livre onzième", Guillaume-Thomas Raynal, 1780, BnF



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