Choctaws et français : une relation historique
Halito! La Choctaw Nation of Oklahoma vous souhaite la bienvenue pour partager notre vision sur les relations que nous avons entretenues avec la France, du XVIIIe siècle à nos jours. Nous avons vécu depuis des temps immémoriaux, en tant que nation autochtone souveraine, sur nos territoires ancestraux du sud-est des actuels États-Unis. Cette collection ethnographique témoigne d’une période particulière de la longue histoire de nos relations diplomatiques avec d'autres nations, autochtones comme européennes. Elle montre comment nos ancêtres créaient des alliances politiques en échangeant des objets qui symbolisaient la reconnaissance mutuelle de la souveraineté des Choctaw et des Français.
Autrefois, nos ancêtres occupaient le lieu où tu demeures à présent et y venaient chasser ; ils vous l’ont cédé comme à des gens qui voulaient être leurs amis, à la suite de quoi vous leur avez promis une certaine quantité de marchandises, et l’écoulement du temps n’a pas aboli la continuation de ce don, et de l'amitié, qui, ayant régné entre nos ancêtres et les Français, règne encore entre vous et nous.
Discours des Choctaw à leurs alliés français (tiré des Relations de la Louisiane, récit anonyme du XVIIIe siècle, Newberry Library, Chicago)
À cette époque, les Choctaw constituaient diverses communautés matrilinéaires indépendantes les unes des autres. Nous avons offert à nos nouveaux voisins notre langue et notre nourriture, notre protection et nos savoirs sur nos terres ancestrales. Nos ancêtres s’unissaient parfois avec des familles françaises parle biais des mariages, qui sont à l’origine de noms de famille franco-choctaw contemporains. Si les Choctaw et les Français étaient de proches alliés dans la Louisiane française, l’intensité de ces relations variait d’une communauté choctaw à l’autre. La paix était difficile à établir et à maintenir dans un paysage politique tumultueux où les dirigeants choctaw et français tentaient d’assurer la sécurité et la prospérité de leur peuple. Malgré les immenses bouleversements survenus au XVIIIe siècle pour les Choctaw et les Français, nos nations conservent des souvenirs culturels et matériels de ce lien, ce dont témoigne cette exposition.
Les relations contemporaines entre les Choctaw et la France
En 2016, le Choctaw Nation of Oklahoma Tribal Historic Preservation Office contactait le musée du quai Branly - Jacques Chirac pour s’informer sur les collections nord-américaines qui y sont conservées : s’ouvrait alors un nouveau chapitre des relations entre Choctaw et Français. C’est le savoir, ainsi que les objets, qui sont aujourd’hui au cœur des échanges. À partir des collections du musée, nous avons pu observer et nous inspirer d’objets que notre peuple n’avait pas vus depuis plusieurs siècles. Dans certains cas, nous ne les connaissions qu’à travers les récits de voyageurs étrangers. Si la provenance de ces objets reste le plus souvent obscure, ces pièces offrent néanmoins un rare aperçu d'une période décisive de l'histoire des Choctaw. Dans le cadre de notre entreprise de récupération et de revitalisation de nos modes de vie traditionnels brisés par le colonialisme, nous nous tournons vers les objets choctaw, qui sont autant de sources de connaissances et de fenêtres ouvertes sur la vie de nos ancêtres. Nous découvrons non seulement les vêtements qu’ils portaient et leurs techniques de fabrication, mais nous apprenons aussi comment nos aïeux interagissaient avec l’environnement du territoire choctaw. Par l’étude des objets conservés dans cette collection et dans d’autres musées, les artistes choctaw retrouvent les savoir-faire de leurs ancêtres et créent de nouvelles œuvres qui les relient ainsi aux générations d’artistes qui les ont précédés. Certaines de ces créations sont présentées dans notre Centre Culturel Choctaw. Les pièces sélectionnées pour cette exposition constituent un petit échantillon des objets du musée que nous avons mis à contribution dans nos efforts de renouveau culturel. En parallèle, nous partageons avec les musées nos savoirs sur la manière dont nos ancêtres ont pu fabriquer et utiliser de tels objets et sur la manière de veiller sur eux.
L'avenir
Les cultures traditionnelles incarnent les expériences et les connaissances accumulées au fil des millénaires par de multiples générations. Pierre Le Moyne d’Iberville fut une figure influente des débuts de la Louisiane française. Dans une note de son journal datée de mars 1702, il rapporte avoir envoyé son frère examiner plusieurs sites de la région. Ce dernier en ramène des figurines en argile, prélevées dans « le lieu où sont le[s] dieux». Les tribus locales s’étonnent de cet acte sacrilège, resté impuni de la main de Dieu. Ces figurines ont été amenées en France mais leur trace a depuis été perdue. Ces objets étaient sacrés pour notre communauté. Leur vol et tant d’autres furent le résultat d’un manque de respect et d’un mépris pour la vision du monde des Choctaw de la part des puissances coloniales européennes. L’usurpation progressive de nos terres et de nos ressources a mis en péril presque tous les aspects de notre existence. La Choctaw Nation of Oklahoma a néanmoins fait preuve de résilience, et elle se reconstruit. Nous comptons aujourd’hui 200000 citoyens à travers le monde. Nous sommes le plus grand employeur de notre région et fournissons un large éventail de services à nos membres et à notre communauté. Un aspect essentiel de notre processus de reconstruction consiste à revitaliser les connaissances culturelles uniques développées par nos ancêtres. Comme nous l'avons fait avec le musée du quai Branly -Jacques Chirac, nous cherchons à établir des relations ouvertes et de collaboration avec des institutions du monde entier afin de renouer avec notre patrimoine, récupérer notre savoir ancestral et, en définitive, guérir le passé. Chaque année, nous naviguons avec un groupe de jeunes Choctaw jusqu’à Bottle Creek, le site d’où le frère d’Iberville a emporté ces objets sacrés. Ce retour à la case départ fait partie d'une expérience de visite immersive conçue pour préparer la prochaine génération de leaders culturels choctaw. Depuis l’ouverture du Centre Culturel Choctaw, le 23 juillet 2021, jusqu’à l'enseignement de la langue choctaw dans les écoles publiques, en passant par la revitalisation des arts traditionnels et la préservation des productions agricoles et des aliments traditionnels choctaw, nous nous efforçons de poursuivre notre chemin souverain au XXIe siècle et au-delà.
Afin de pallier la rareté des représentations de vêtements choctaw de la première moitié du XVIIIe siècle, notre Historic Preservation Office fait régulièrement appel à des artistes choctaw pour qu’ils donnent vie aux récits et dessins des premiers chroniqueurs européens. Conformément aux sources du XVIIIe siècle, l’homme est vêtu d’une peau de bison peinte, ainsi que d’un pagne et de jambières, tandis que la figure féminine porte une cape en plumes de dinde et une jupe en fibres végétales, des colliers en perles de coquillage et une hotte de portage. Les tatouages symbolisent l’identité et l’appartenance de leurs porteurs à une communauté particulière.