Signature de Bernard Naudin. Détail de la couverture des Chansons populaires dans le Bas-Berry t. I. 1930. BMV Holmès G 209 © Bibliothèque municipale de Versailles

Table des matières

Les sujets folkloriques : de la joie à la mort

Les sujets rustiques

D’origine berrichonne, Bernard Naudin reste, tout au long de sa vie, très attaché à son Berry natal. Tout comme Jenny de Vasson par ses photographies, il aime dessiner les paysages rustiques et la vie quotidienne des habitants de sa terre natale, particulièrement celle des paysans. Il a ainsi participé à plusieurs projets éditoriaux liés à cette région, par exemple Monsieur Lancelot à l’abbaye de Saint-Cyran de Jacques Des Gachons (Bosse, 1927) ou encore lors du centenaire de la naissance de George Sand en 1904 où il crée affiches et invitations. Naudin a également la première place pour les Chansons populaires dans le Bas-Berry (Gargaillou et Rey, 1930-1931) : cet ensemble de cinq volumes, conçus dans un objectif régionaliste par deux instituteurs locaux, Barbillat et Touraine, rassemble de nombreux textes et partitions de chants berrichons, illustrés par des artistes de la région. Naudin réalise ainsi toutes les couvertures et orne ces pages dédiées à la musique de nombreuses scènes paysannes ou plus urbaines, reproductions de dessins à la plume ou de xylographies, illustrant la vie dans le Berry.

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« Chansons populaires dans le Bas-Berry », Paris, éd. Du Gargaillou et E. Rey, 1930-1931, 5 vol. Bibliothèque municipale de Versailles, Holmès G 209-213.

 

Les saltimbanques et le cirque

Observateur du monde des rues, Naudin appréciait regarder les spectacles de cirque sur la grande place de Châteauroux lorsqu’il était enfant et il a lui-même participé à quelques spectacles en se faisant appeler « le saltimbanque Naldini ». Dans cette continuité, il est amené à illustrer des partitions musicales et il propose notamment sur le sujet un ensemble de planches : Musiciens des rues et des cours, publié chez Helleu et Sergent en 1921. Ces gravures sur bois représentent de manière naturaliste des saltimbanques (homme-orchestre, accordéoniste), souvent accompagnés d’enfants des rues, révélant ainsi la réalité de la vie urbaine, avec une certaine mélancolie. Elles sont également un manifeste du style de Bernard Naudin. Certaines sont des gravures de G. Aubert, d’après des dessins de Naudin quand d’autres sont des gravures du burin même de l’artiste berrichon (double signature ou non). Cela doit nous rappeler l’ambivalence des illustrations et le recul avec lequel il faut regarder ces œuvres. Témoignant d’un sujet de prédilection de l’artiste, les planches de la main de Naudin montrent un traitement brut des formes d’une grande intensité. Le visage des enfants est également très représentatif de son art : leurs bouches aux commissures baissées leur donnent un air à la fois triste et poupon que l’on retrouve tout au long de la carrière de Naudin.

 « Musiciens des rues et des cours », Paris, chez Helleu et Sergent, 1921. Bibliothèque municipale de Versailles, Couderc H 129.

 

Sujets macabres et miséreux

Le naturalisme avec lequel il donne à voir le monde urbain le conduit inéluctablement vers des représentations du peuple démuni, à la fois tristes et dénonciatrices. Ce sont parfois les sujets que l’on retrouve dans la presse satirique évoquée plus haut, ou pour des ouvrages comme Les villes malades de Paul Lantelme (La Nouvelle Revue, 1921). La noirceur du monde tel qu’il le représente atteint son paroxysme dans Le fléau d’Emile Verhaeren (Kaelin, 1927). Ce poème est extrait des Campagnes hallucinées, un recueil dans lequel le poète belge traite de l’exode rural et des maux de l’homme moderne au tournant du siècle. « Le fléau » est certainement l’un de ses textes les plus macabres, où les thèmes de la mort et du peuple démuni se croisent. Cette édition reprend uniquement ce texte, écrit et illustré à la plume par Naudin qui propose une série d’illustrations terribles, dont la force expressionniste est saisissante.

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Émile Verhaeren (1855-1916), "Le fléau", fac-simile d’un manuscrit illustré par Bernard Naudin, Paris, Martin Kaelin, 1927, Bibliothèque municipale de Versailles, Couderc I 96.

 


Présentation // Patrimoine à mains nues du 10 octobre 2020 - Bibliothèque centrale