De faux trésors ?
« J’aime faire des rapprochements entre les éditions anciennes et nouvelles des vieux livres, à l’effet d’en compléter […] les lacunes » : cette phrase de Denis Vrain-Lucas postulant à la Bibliothèque nationale peut paraître ironique, de la part d’un faussaire de plus de 27 000 pièces, notamment de faux autographes de Cléopâtre, Marie-Madeleine ou encore Charlemagne, qui a réussi à berner jusqu’au grand mathématicien Michel Chasles. Quelques lettres de Montaigne contrefaites sont ici présentées.
Qu’il s’agisse du travail de véritables falsificateurs, ou d’une légende qui se crée autour d’une œuvre, déformant sa perception et créant des attributions ou des provenances erronées, les faux peuvent se révéler être de véritables trésors par leur valeur historique, esthétique ou encore par ce que le mythe qui les entoure révèle de l’époque de leur création ou de leur réception. Le goût de la fin du XIXe siècle pour une Antiquité intime s’incarne ainsi dans la copie d’une statuette de type Tanagra, et la sensibilité pré-romantique de la seconde moitié du XVIIIe siècle dans l’engouement pour des poèmes que leur traducteur supposé, James Macpherson (1736-1796), attribue au barde écossais du IIIe siècle Ossian, mais dont l’authenticité est remise en cause dès leur parution. Les faux sont parfois recherchés pour eux-mêmes, et leur valeur connue, à l’instar des rares fausses monnaies antiques datées de la Renaissance.
Parfois, le doute subsiste, né de provenances supposées, dont la légende est entretenue par les possesseurs successifs des œuvres, à l’image du service de voyage qui aurait appartenu à Marie-Antoinette présenté ici. C’est aussi le cas lorsque des doubles font surface. Ainsi, un débat fait rage au début du XXe siècle pour déterminer quelle bague-sceau a été utilisée par Jules Favre pour signer le traité d’armistice de 1871, entre celle conservée au ministère des Affaires étrangères et celle qui se trouve à la bibliothèque municipale de Versailles. Ce bijou à l’histoire rocambolesque aurait servi à nouveau à Clemenceau le jour de la signature du traité de Versailles de 1919, de même que l’encrier et les porte-plumes – authentiques – aujourd’hui conservés en ces lieux.