La provenance
En raison notamment de la proximité du château de Versailles, devenu sous la Révolution lieu de dépôt et de tri des œuvres et livres confisqués aux nobles émigrés et aux membres du clergé pour constituer les bases d’une collection nationale, un grand nombre d’ouvrages de provenance royale et princière ont formé le noyau originel des fonds des bibliothèques de Versailles. Les dons, legs et acquisitions postérieurs ont enrichi ces collections de documents ayant appartenu à de prestigieux possesseurs.
L’exceptionnel exemplaire personnel de Louis XIV des Courses de testes et de bague faittes par le Roy et par les princes et seigneurs de sa cour en l'année 1662, célébrant le Grand Carrousel organisé dans la cour des Tuileries en l’honneur de la naissance du Dauphin, est ainsi une saisie révolutionnaire. Pour cette publication, il est fait appel à Charles Perrault pour les textes, et pour les gravures à Israël Silvestre, François Chauveau et Gilles Rousselet. Comme dans l’exemplaire du prince de Condé, celles-ci sont exceptionnellement gouachées par Jacques Bailly. À une provenance remarquable peut ainsi correspondre le recours à de grands artistes quand l’ouvrage est une commande pour un roi, un prince ou un riche mécène.
La provenance peut aussi nous parler du parcours d’un ouvrage, parfois inscrit dans l’Histoire. Ainsi de l’exemplaire de La partie de chasse de Henri IV de Charles Collé : présenté à Marie-Antoinette fraîchement arrivée en France, en route pour épouser le Dauphin, il s’agit probablement du premier livre relié à ses armes. C’est aussi le cas de la malle remplie de trésors de l’édition jeunesse et de lettres d’écoliers envoyée en 1946 du Connecticut à la bibliothèque de l’Heure Joyeuse de Versailles, à la suite d’un mouvement de solidarité né outre-Atlantique après la seconde Guerre Mondiale.
La provenance évoque aussi les goûts et lectures des collectionneurs qui apposent leurs marques ou leurs ex-libris sur les œuvres et les livres, à l’image de Montesquieu dans un exemplaire de la Satyre Menippee provenant de sa bibliothèque au château de La Brède. Elle témoigne de la réception des œuvres et de leur appropriation quand le possesseur annote ou dessine sur un ouvrage, comme c’est le cas de deux exemplaires issus de la collection de l’abbé janséniste et bibliophile du XVIIIe siècle Claude-Pierre Goujet.
Il peut enfin s’agir d’une histoire de famille, à l’image de la collection d’objets donnés à la bibliothèque en 1947 par la vicomtesse de Fontenay en souvenir de son mari, ambassadeur de France dont l’aïeule, la marquise de Lage de Volude, appartenait à l’entourage de la princesse de Lamballe et de Marie-Antoinette, ou d’amitié comme en témoigne le touchant envoi de Pierre Louÿs à Claude Debussy sur un exemplaire de l’Astarté.
Et parfois, c'est la reliure elle-même qui évoque la provenance d'un ouvrage : armes, fers, décor... elle permet souvent de retracer l'origine d'un livre.