À l'occasion des l'exposition Trésors des bibliothèques de Versailles, nous vous proposons de partir à la découverte d'un des chefs d'œuvre de nos collections, à retrouver jusqu'au 16 décembre dans l'ancienne galerie des Affaires étrangères de la bibliothèque Centrale.

Sous les feux des projecteurs aujourd'hui : Le Livre des Oyseaux de la Ménagerie de Versailles.

Un témoignage saisissant, brossé dans un dessin très vif, de ces animaux ayant fasciné les princes et les savants

Construite par Louis Le Vau à partir de 1662 à l’extrémité sud du bras transversal du grand Canal, le long de la route de Saint-Cyr, la Ménagerie royale constitue un ensemble de forme octogonale, avec un pavillon central situé au centre d’une cour, elle-même entourée de sept autres, réparties en corolle autour d’elle. Celles-ci abritaient des animaux exotiques – objet de prestige royal, de curiosité pour les visiteurs et d’étude pour les savants –, ou plus communs, pour alimenter la table du roi. L’import de ces animaux était organisé par l’intermédiaire de Colbert, qui s’appuyait sur une personnalité comme Mosnier Gassion, celui-ci procédant à l’achat des animaux en Afrique ou au Proche-Orient et assurant leur acheminement jusqu’à Versailles. Dès sa création, la Ménagerie est le théâtre de divertissements royaux, à l’image de la visite organisée lors des Plaisirs de l’Île Enchantée le 11 mai 1664, mais aussi la destination de promenades. Elle est également un lieu d’étude pour les savants de l’Académie des sciences, opérant des dissections et publiant leurs comptes-rendus dans les Mémoires pour servir à l’histoire naturelle des animaux.

Plan de la Ménagerie dans le "Recueil des plans des distributions du chasteau et jardins de Versailles, Trianon et la ménagerie par Jacq. Dubois, géographe, arpenteur du Roy", 1732. © Bibliothèque municipale de Versailles, Ms F 462

 

La jeune duchesse de Bourgogne, venue épouser en 1697 l’aîné des fils du grand Dauphin, se pique d’intérêt pour ce lieu ; Louis XIV lui en fait don et entreprend d’importants travaux pour en rajeunir la construction principale, sous la direction de Jules Hardouin-Mansart. Mais après la mort prématurée de la jeune Dauphine, en 1712, les souverains successifs se désintéressent de la Ménagerie qui tombe peu à peu à l’abandon.

Le Livre des Oyseaux de la Ménagerie de Versailles, daté de 1710, a donc été réalisé à une période encore florissante pour celle-ci. Acquis par la bibliothèque en 1971, il a fait partie successivement des collections du dijonnais Jean du Tillot (1668-1750), de Jean-Louis Gaignat (1697-1768)1 et de Thomas Walpole (1727-1803). Sur les trente-cinq aquarelles de l’album, trente sont consacrées aux représentations d’animaux – vingt-cinq oiseaux et cinq mammifères – et cinq à des fleurs et des fruits.

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Les mammifères abrités à la Ménagerie étaient à quelques exceptions près des espèces autochtones et les visiteurs étaient surtout frappés par les oiseaux, plus exotiques. On importait d’Asie des espèces comme les paons ou les faisans, mais également des pintades, venues d’Afrique, ou encore des dindons d’Amérique, toutes espèces alors très rares. Le titre du recueil faisant référence uniquement aux volatiles laisse supposer que les dix autres feuilles ne seraient pas forcément contemporaines des premières, voire d’une main différente. Les oiseaux sont en effet représentés avec une certaine unité stylistique et, contrairement aux dessins de fleurs et de fruits, légendés avec le nom des espèces qu’ils représentent.

Sur la page de titre, une annotation de la main de Jean du Tillot attribue ce recueil à l’artiste dijonnais Pierre Despeches. Il s’agit cependant d’une hypothèse erronée selon Thierry Lefrançois, qui rapproche la représentation du singe d’un dessin de Nicolas Bertin figurant le même animal, conservé au musée national de Stockholm. Par ailleurs, il remarque des lettres « B » – vraisemblablement une initiale – dissimulées dans les dessins des différents animaux du recueil2 . Nicolas Bertin a travaillé comme décorateur à la Ménagerie royale, et la création de l’album coïncide avec une période où il œuvrait pour les Bâtiments du roi, exécutant des projets de vitraux pour la chapelle de Versailles et recevant la commande d’un carton de tapisserie pour la manufacture des Gobelins sur le thème du Mariage du duc de Bourgogne.

Annotation figurant sur la page de titre du manuscrit

20231006 illustration complementaire"Étude de singes", dessin par Nicolas Bertin (1668-1736). Stockholm, Musée national NMH 2804/1863, © Erik Cornelius / Nationalmuseum

La destination du recueil reste quant à elle incertaine. Selon Pierre Bérès, ces aquarelles auraient pu être réalisées pour une décoration destinée à la Ménagerie, qu’il s’agisse de tapisserie, de broderie ou de peinture3 . Thierry Lefrançois y voit quant à lui « l’affirmation du goût documentaire des contemporains de Louis XIV4 ». Quelle qu’en soit l’intention initiale, ces aquarelles nous fournissent un témoignage saisissant, brossé dans un dessin très vif, de ces animaux ayant fasciné les princes et les savants.

H.L.

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Références :

1. G.-F. Du Bure, t. I, p. 283, n° 1109
2. Th. Lefrançois, p. 190-191
3. P. Berès, 1972, n° 178
4. Th. Lefrançois, p. 190

Texte issu du catalogue de l'exposition :

20231006 couv catalogue

Trésors des bibliothèques de Versailles
Coll.
Éditions Faton
2023
ISBN : 978-2-87844-352-3
24€


Exposition Trésors des bibliothèques de Versailles
Du 16 septembre au 16 décembre 2023
Catalogue en vente à l'accueil de l'exposition
Bibliothèque Centrale - Galerie des Affaires Étrangères (5 rue de l'Indépendance américaine)
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